Note de synthèse
Dossier: «Les ressorts de la motivation», Revue Sciences Humaines, N° 92, 1999, page20.
Articles: «Le cœur à l’ouvrage», Claude Levy-Leboyer, Professeur émérite à l’Université René Descartes Paris V, Consultante; notamment est la première à avoir développé en France les outils à 360° – «Pourquoi nous formons-nous?», Philippe Carré, Professeur à l’Université Paris X-Nanterre, président de l’association Interface-Recherche – «Le consommateur a-t-il encore des motivations?», Hélène Feertchak, Maître de conférences en psychologie sociale à l’Université René Descartes Paris V – «Peut-on motiver autrui?»,Jean-François Dortier, cofondateur et rédacteur en chef du magazine Sciences Humaines,auteur de très nombreux articles de vulgarisation scientifique.
Le dossier s’interroge sur ce qu’est la motivation et la façon dont on peut agir sur elle. Ce sontdes questions particulièrement importantes dans le contexte socio-économique qui est lenôtre. On constate que c’est d’ailleurs un questionnement largement partagé par les milieuxprofessionnels puisque ce dossier propose un éclairage de cette question dans le champ dutravail, dans le champ de la formation et enfin dans celui des études de marché. Nous notonsd’ailleurs en passant que ce regard multiple se retrouve dans les cadres conceptuels différentssur lesquels s’appuient les auteurs.
Le dossier souligne toute la difficulté qu’il y a à passer «de l’intention à l’action» comme ledit Claude Lévy Leboyer. Car si l’ensemble des articles présentent la multiplicité des paramètres qui permettent à l’individu de développer sa motivation, ils sont tous clairs sur le fait qu’on n’a jamais réussi à motiver personne de façon directe. On ne peut que mettre en place des conditions favorables à son développement par l’individu. Citons parmi d’autres paramètres motivationnels, trois paramètres communs au champ du travail et à celui de la formation et leurs applications directes:
- l’image de soi que nous construisons à partir des informations que les autres nous renvoientet qui permet à Claude Lévy Leboyer d’insister sur l’importance de prendre en compte cettedimension dans les situations d’évaluation en formation et au travail par exemple. On peutmettre cette notion en parallèle avec deux concepts relevant de la psychologie cognitive misen valeur par P. Carré: la «perception de compétence» selon E. Deci et le concept «d’auto-efficacité» chez A. Bandura. Ils sont tous deux présentés comme un facteur qui «influence lamotivation à entreprendre une action donnée». Dans le champ de la pédagogie, il s’agira doncpour le formateur de réfléchir à des situations qui pourront les favoriser.
- l’instrumentalité qui est le lien perçu entre le résultat de l’effort et la récompense donnée par la société. Elle doit être considérée comme équitable pour maintenir la justification de l’effort. La difficulté dans cette situation est le mode de construction du sentiment d’équité qui s’élabore en comparaison avec autrui. Dans le domaine de la formation, on s’interrogera sur «l’utilité de la formation dans la réalisation d’un projet plus large». En rapport avec cette question, Philippe Carré présente sur deux axes, dix «raisons de suivre une formation» un premier axe: raisons extrinsèques (bénéfices attendus de l’activité) / raisons intrinsèques(motivation dans l’activité elle-même) et un second axe, participation (satisfaction due à la participation au sein d’un groupe) /apprentissage (satisfaction due à l’acquisition d’un contenu).
- et enfin, troisième paramètre commun, l’importance de présenter un but ou objectif précis,accepté, pour entraîner la motivation. On comprend l’importance d’une communication clairenon seulement sur les objectifs fixés aux individus mais également sur le niveau deperformance de l’individu qui l’aidera à développer ses compétences. Dans le champ de laformation, Philippe Carré parlera de «sentiment d’autodétermination». Ce sentiment relevantégalement du processus motivationnel, il s’agira d’ «associer les sujets concernés aux choixde formation les concernant».
Cette question se pose dans des termes particuliers dans le domaine des études de marché carl’article parle clairement de la distinction délicate entre les motifs ou raisons d’achat et la
motivation profonde du consommateur et de la nécessité de les mettre «en mouvement». Hélène Feertack nous informe d’ailleurs du déplacement du cadre conceptuel vers le traitement pragmatique des études de marché. Ce que ces spécialistes appellent «l’approche qualitative» qui se résume à quelques outils de recueils «dits qualitatifs» puisque la notion de motivation n’est qu’une dimension parmi d’autre à explorer.
Malgré les difficultés à «gérer les motivations» toujours en mouvement, le dossier présente dans une manière de synthèse par JF Dortier, 4 règles fondamentales pour «gérer» les motivations d’autrui»:
- Rechercher la combinatoire de motifs qu’ont les individus pour s’impliquer,
- «Fixer des objectifs accessibles et des buts concrets»,
- «Modifier l’environnement pour accroître la motivation»,
- «Développer un leadership exemplaire».
On peut noter enfin une conclusion partagée en mode de mise en garde déontologique:motiver oui mais dans quelles conditions? En n’oubliant pas que l’homme n’est selon laformule de B. Weiner, reprise par P. Carré, «ni machine, ni Dieu».
Que dire aujourd’hui de cet excellent dossier? On demande aux hommes au travail de s’investir toujours plus, de mettre «du leur». Alors, expliquer «le sens de leur action» est particulièrement central. J’ai trouvé intéressant de voir que si 22 ans se sont écoulés depuis sa rédaction, le dossier était toujours aussi actuel mais en marche au rythme de son objet. Ainsi on parle davantage de mettre en place les conditions pour que l’individu trouve des moyens de se motiver. Les trois stratégies propres à stimuler la motivation évoquée par Madame Lévy Leboyer (récompenser, changer le travail, choisir un leader charismatique) sont reprises et développées par Fabien Fenouillet. L’étude commencée par P. Carré et son équipe et qui a permis d’aboutir aux dix motifs d’entrée en formation est terminée depuis. Le cadre conceptuel cognitif s’est précisé et s’est enrichi d’un élément précieux, le concept de«perception de l’avenir» pour expliquer le processus motivationnel.